Mutants by Karine Glorieux

Mutants by Karine Glorieux

Auteur:Karine Glorieux
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Québec Amérique
Publié: 2020-09-04T14:43:21+00:00


Et à chaque monstre dessiné, c’était comme si une partie de ma peur disparaissait. Comme si je les envoyais dans un monde différent où c’était possible de les chiffonner et de les jeter dans un bac de recyclage. Une fois chaque dessin terminé, j’arrachais la page, je la déchirais et je l’envoyais à l’autre bout de ma chambre. Quand je suis arrivé à la fin de mon cahier de croquis, je me sentais plus calme. J’ai considéré l’état des lieux. Le sol était par­semé de feuilles chiffonnées. Mais ma tête, elle, était plus en ordre, comme si j’y avais fait un gros ménage.

Il ne fallait pas paniquer.

Il y avait d’autres hybrides.

Parmi ces hybrides, Lou en avait vu un dont le pro­­cessus de transformation avait mal tourné.

Il avait sauté à la fenêtre en apercevant mon amie, mais ce n’était pas nécessairement pour la dévorer.

Il voulait peut-être tout simplement lui souhaiter la bienvenue.

Il fallait quand même que je trouve le moyen de fabriquer mes ailes.

Au cas où.

Quand j’ai réussi à joindre Zian, à trois heures du matin, il a écouté mon histoire sans un mot, la bouche ouverte. À la fin, il s’est contenté de dire :

— Dude, dude, dude…

Comme si le choc lui avait fait perdre tout souve­nir de la langue française. Pas pour très long­temps, cependant. Dès qu’il s’est ressaisi, il s’est mis à imaginer la suite – et ça ressemblait à mon pire scénario :

— Si Chaos et ses amis se mettent à capturer des enfants et à les enfermer jusqu’à ce qu’ils deviennent à leur tour des créatures dangereuses… Dude, ça peut aller vite ! D’ici un an, le monde pourrait être envahi par ce genre de monstres !

Tout le calme que j’avais retrouvé après ma séance de dessin a disparu. J’ai imaginé Viktor enfermé dans une cave humide, en train de se transformer en monstre. La panique reprenait toute sa place dans ma tête. J’ai jeté un coup d’œil à ma porte de garde-robe. Derrière, des milliers de plumes attendaient que je les assemble pour former des ailes. Des ailes qui, maintenant que j’y pensais, me permet­traient peut-être de me rendre jusqu’à l’au-delà. Parce que j’aurais bien voulu discuter une éternité ou deux avec Celui-qui-se-mêle-de-tout. Je ne savais pas trop ce qu’il planifiait faire avec l’humanité, ni même s’il avait un plan tout court, mais j’avais quelques mots à lui dire. Si Lou réussissait à aller le voir en pigeant dans ses vies de chat, pourquoi est-ce que moi, je ne trouverais pas le moyen de me servir de mes atouts pour le trouver ? Ça n’avait pas trop de sens, mais ce soir-là, rien n’avait de sens. J’ai dit au revoir à Zian. Il restait encore quel­ques heures avant l’aube. J’avais le temps d’aller me calmer dehors et de réfléchir à tout ça. J’ai pris une poignée de plumes dans les sacs – des petites et des grandes plumes. Et, pour la première fois depuis longtemps, je suis allé retrouver mon rocher préféré, dans le petit bois.

Étrangement, une fois dans le bois, la peur m’a quitté.



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